Histoire
Il n'y a guère besoin d'un livre entier pour narrer la vie de Desmond Burns. Si le puissant sang qui coule dans ses veines est le fait de son ascendance divine, il naquit toutefois parmi les mortels, dépourvu de toute figure paternelle. Il trouva alors substitution auprès de son frère, Edward Burns, alors de quatre ans son aîné. Si l'on devait définir chaque aspect de leur inséparable relation, ces écrits s'éterniseraient sur quelques centaines de pages. Considérons alors que le cadet voyait chez son aîné un frère, un père, un ami, un modèle, un héros. Edward naquit bon, altruiste, attentionné et fut certainement le plus grand génie que Desmond eut rencontré. Pour dire, il le caractérise aujourd'hui de la même trempe que l'illustre Léo Valdez, si ce n'est plus. Il était aux soins de leur mère, qui n'était vraiment d'une grande robustesse. Elle était chétive et sa santé se détériorait, mais elle soutirait de la bonté et du génie de ses fils une force qui ne saurait être égalée par quelconque pouvoir divin. Alors chéris par le plus véritable et intense des amours : celui d'une mère, ils entreprirent tous de quitter la ville de New York au profit d'une campagne bien simple et paisible, moins anxiogène pour leur mère déjà trop fragile.
Une vie loin de toute urbanisation était la marque d'un nouveau départ, qui ne déplaisait pas forcément à Desmond ou Edward. L'aîné trouvait en ces jours paisibles une inspiration toute particulière dans la conception de nouvelles machines, toutes aussi pittoresques les unes que les autres. Une inventivité qui ne manqua pas de se manifester chez le petit Desmond qui n'était qu'âgé de douze ans, et qui s'aventurait sans trop de gêne dans l'immense terrain de jeu de son frère. Son innocence juvénile le protégeait de tous les rudes dangers de la vie : Il était jeune mais fort, ambitieux, heureux, trop énergétique, et trop investi et ce dans tout ce que son frère pouvait entreprendre. Mais tous savent qu'on ne forme une âme en la protégeant de toute affliction.
Un jour ennuyé, Desmond toujours âgé de douze ans se lança dans la réparation des œuvres manquées d'Edward, alors âgé de seize ans. De ces œuvres il sélectionna un singulier petit émetteur pas plus complexe qu'un poste de radio, et qui n'avait rien de bien dangereux d'apparence. Pour autant, si les œuvres manquées demeurent manquées, ce sont pour des raisons bien précises. Edward avait très tôt saisi la dangerosité du monde mystique, et s'était chargé d'abandonner tout objet qui pouvait représenter une menace pour sa famille, dont ce singulier boîtier.
Il ne lui fut que peu de temps pour constater l'absence de son frère encore ignorant et abrité de ces dangers, qui a tôt fait de rejoindre les champs éloignés dans lesquels il essayait ses nouvelles inventions. Certainement pris par la peur et l'adrénaline, il se précipita déjà tout équipé vers l'habituel terrain de jeu que lui et son frère s'étaient accoutumé de fréquenter. Aussi tardivement soit-il, il y parvint sans encombres mais le mal fut déjà commis. Cet insignifiant émetteur procédait de la même manière qu'une gigantesque antenne, et projetait un signal radio à une échelle gigantissime. Bien que le terme ne se présente pas comme une grande source d'inquiétude, pour des sangs-mêlés tels que Desmond et Edward, les ondes radios pouvaient s'avérer mortelles en raison de leur vile efficacité pour attirer d'abjectes monstruosités. A peine perçut-il son frère qu'il repéra là-bas, haut dans le ciel coloré par le crépuscule, cette infâme horde de harpies qui se ruaient, furibondes, sur Desmond encore insouciant et inaverti de la gravité de son acte.
L'esprit du cadet n'avait pas immédiatement saisi ce qui lui arrivait. Il fut foudroyé d'une peur indicible, mais surtout d'une grande douleur quand ces oiseaux mystiques commencèrent à frapper son dos de multiples et virulentes lacérations. Jamais Desmond n'avait observé un tel acharnement. En fait, il ne le comprenait même pas. Il ne comprenait ni ce qu'il avait fait de mal, ni pourquoi il méritait un tel sort. Toute cette suite d'événements prenait place trop rapidement, et il ne sortit de sa transe que lorsque Edward éjecta Desmond loin des harpies, se résolvant à leur faire face aussi nombreuses étaient-elles uniquement avec son marteau. Il n'avait qu'entendu l'ordre de fuite reçu de son frère et s'y exécuta sans trop comprendre, lentement, certes, mais il le faisait.
Des temps où l'on fusillait encore les coupables, l'Homme faisait en sorte à ce que le bourreau ne croise jamais le regard de sa victime. Car au moment de la mort, le visage, du moins sa dernière expression au moment de passer l'arme à gauche n'est jamais oubliée par le bourreau. Mais Desmond, lui, croisa celui de son frère et s'offrit accidentellement à un infâme spectacle qui le tourmentera bien des années. Assez de temps s'était écoulé pour constater le corps déjà piécé et décharné de son frère face à une intrépide menace. Pour autant, son regard n'était la preuve d'une quelconque faiblesse. Il avait un caractère héroïque, bienfaisant, protecteur. Une vision démonstrative de force et de courage, à la hauteur de la perception qu'il avait de son frère en tant que modèle. Les gens forts survivent, c'était ainsi que son cerveau procédait. Il rompit ce contact visuel avec son frère, poursuivit sa course, persuadé qu'il reviendrait triomphant des harpies qui l'ont attaqué, qu'il l'accueillerait avec les honneurs.
Ce soir là, Edward n'est jamais revenu.
Le trépas des héros fait d'eux des légendes. Desmond perdit au crépuscule ce qui était à ses yeux un modèle. Il savait qu'il ne pouvait immortaliser le nom de son frère, que lui aussi un jour périrait. Néanmoins, il pouvait faire de sa mémoire son héritage, et c'est ce Desmond que tous connaissent aujourd'hui. Il a soutiré de son frère son excentricité, son amour pour la forge : il ne revêt pas son nom mais poursuit ses passions. Aussi triste la perte d'un frère est-elle, il fut contraint de mûrir assez tôt. Cet incident marqua un tournant majeur dans la vie autrefois paisible de Desmond, il entreprit son départ du cocon familial dès que sa mère serait assez forte pour se dispenser de lui, car sa présence lui porterait plus de préjudices que de bénéfices. Sa faiblesse, son ignorance lui avait laissé deux marques indélébiles : Le poids du décès de son frère, et de nombreuses cicatrices sur le dos. C'est ainsi que Desmond rejoignit la Colonie des Sangs-Mêlés.
Son aventure à la Colonie ne mérite pas que l'on s'y attarde plus que ça. L'extravagance de Desmond quoique étrangement reçue lui permit de s'entourer de bonnes personnes. Il découvrit son ascendance divine, sa joyeuse fratrie, l'amour. Il était parfois frappé de quelques tourments mais sa force d'esprit et son bon entourage a tôt fait de le remettre sur le droit chemin.
C'est au sein de cette colonie que Desmond comprit qu'ils n'avaient de dieu que le nom. Ils n'étaient pas vraiment plus forts, en fait, ils étaient exposés à plus de dangers. Injustement haïs et ciblés par les maux. Leur sang n'était pas d'or mais rouge vif, et ils n'étaient pas immortels. En ce sens, ce sont ces faiblesses qui soudaient les esprits de la colonie. Ils étaient plus humains que n'importe qui, et les survivants ressortiraient plus forts de cet endroit. Desmond n'avait aucune honte à savoir que le sang d'un olympien infirme coulait dans ses veines, sans celui-ci sa vie aurait certes été bien plus paisible, mais il serait à ses yeux passé à côté d'agréables rencontres.