watch me sinking in your dreams. ✓

il était beau, cette nuit-là. dans la nuit noire, on l'entendit crier. on entendit ses pleurs, ceux de ses parents qui ne pouvaient qu'apprécier ce moment tant attendu. annabella, originellement infertile, n'avait jamais connu un tel bonheur en voyant se former contre son ventre cette bosse vitale. puis les coups, les rendez-vous chez un spécialiste : il était un MIRACLE. son beau-père,   le premier amour ayant originellement quitté la maison pour quelques raisons médiocres, était lui aussi en extase lorsque ses mains eurent le corps fragile de wyatt entre ses doigts. il est né deux semaines en avance, pourtant déjà bien formé. ainsi ruisselle le flux de la vie.
en banlieue de londres, ses parents ne se sentaient pas à l'aise. après quelques ans passés dans ces quartiers, ils décidèrent de quitter la jolie ville pour rejoindre une autre, plus immense, plus grande. new york. la grosse pomme. celle qu'on croque avec l'espoir d'une nouvelle vie, celle qu'on déguste en sirotant un cocktail levé à la liberté. à l'envie. à la gourmandise. aux excès. promotion détenue au passage par son père, ils s'installent dans un quartier pavillonnaire en banlieue. les voisins y sont accueillants, chaleureux, et déjà wyatt frappe dans un ballon avec ses nouveaux copains.
puis l'entrée au collège poursuit celle entamée en école : la panique, l'angoisse. quelques maux affreux. on remarque déjà des symptômes d'insomnie chez le garçon, et aussi une dysorthographie qui s'inscrit aux côtés d'une dyslexique fondamentale. on lui propose de suivre des cours de latin mais ça ne l'intéresse pas, à première vue, mais il finira par suivre un enseignement gréco-latin par la même occasion. c'est la découverte des mythologies, les premiers fondements d'une société placée sous l'égide du tragique, du destin, du divin. la journée, on lui fait remarquer ses cernes abondantes. son teint un peu pâle également. la nuit, il ne parvient pas à fermer l'œil. il enchaîne de nombreuses lectures pour passer le temps, lui permettant d'acquérir une majeure partie d'une culture classique entre-mêlée des vers et actes modernes.
à ses quinze ans, on lui fait remarquer que beaucoup de personnes se sentent fatigués en sa présence. les rêves et cauchemars s'enchaînent : parfois la nuit, il a l'impression de les vivre. il a l'impression de voyager dans ses propres rêves. il prend contact avec une psychologue, ses parents sont inquiets et ils en parlent pour la première fois avec lui. « as-tu des problèmes à l'école, mon chéri ? » leur discussion avait commencé comme ça. lui, désintéressé, assis sur le canapé en face de ses parents, tout deux inquiets. et surtout l'incompréhension. puis le mot de trop : la folie. une porte claquée, la sienne, sous le regard peiné de ses deux parents, incapables de réagir.
à ses quinze ans, son père finit par partir. heureusement non mariés, sa mère et lui ne subissent pas les peines du divorce. sa mère se renferme sur elle-même mais le garçon lui apporte tout son bonheur. leur relation s'améliore largement et les deux partagent une grande complicité, savourée au petit-déjeuner entre autre. une nuit, le garçon se retrouve plongé dans un puissant rêve où il découvre un lieu brumé, inaccessible, loin. un labyrinthe. d'autres images défilent : un garçon qui s'éloigne, un rendez-vous sous un arbre, une course de voitures qui dérape. il se réveille en sursaut, le cœur battant. minutieusement, il se vêtit d'une veste et attrape les clefs de la porte d'entrée qu'il verrouille. sur le bitume, il peut enfin respirer : la chaleur étouffante de sa chambre, de sa propre maison ne lui convenait plus. puis au moment de tourner, des sabots qui retentissent le font s'arrêter. derrière un buisson, semblerait-il. et lorsqu'il découvre la bête qui vient de l'attirer, il a l'impression qu'il va en mourir.

il tente de faire parvenir de nombreuses lettres à sa mère, laissée là-bas, en vain sûrement. il écrit pour lui-même, ces feuilles volantes rangées dans une boîte sous son lit au bungalow. à ses seize ans, après son intégration soudaine à la colonie, son cœur s'empare d'un garçon d'arès. plus âgé que lui, ils passent leurs après-midis souvent. hélas, chaque demi-dieu se doit de suivre le tragique destin qui lui est réservé. les dieux ne l'ont pas manqué. il partit un soir, après un baiser rapide échangé avec le garçon. porté disparu, peut-être mort, wyatt ne le reverra plus jamais. le premier amour fait toujours mal. passion céleste qui s'éteint, se brise en mille morceaux comme le verre qui explose après sa chute. le bruit fracassant du désespoir, de la tristesse et de la colère. ce ne sont pas les cris des deux garçons mais ceux qui résonnent dans sa tête. il est b r i s é. une épée qui lui tranche le coeur, qui le meurtrit davantage. il n'y a que le doux son de l'écume de la plage, près du sable où ils étaient installés, qui lui permet de rester calme. ainsi cruel est l'amour.
insouciant à l'origine, il découvre l'enfer en rejoignant le camp cronos. cet épisode tragique va bouleverser sa vie : il commence à prendre conscience de la véritable nature de son monde, de tout l'univers où il s'est inscrit. rescapé, il pense pouvoir échapper au destin qui lie tous les demi-dieux de la colonie. pas de chance. le second périple qu'il entame, à la manière d'ulysse sur son mètis va également largement l'impacter. l'île d'ogygia et le culte d'outis qu'il découvre l'un après l'autre ont plongé wyatt dans une angoisse sombre. peu serein, il affronta ses peurs d'une passivité déconcertante. il ne revit jamais certains des amis qu'il s'était fait. harper, l'enfant des vents ou wytherr le fils de la terre. il revient le cœur meurtri, après son dernier voyage depuis ogygia : le périple des lotophages, accompagné d'harper. ce peuple lui tient à cœur et toutes leurs joies, leurs bonheurs, leurs délices vont faire mûrir chez wyatt quelque chose qu'il avait perdu, qu'ils avaient perdu. l'espoir. doux et inodore, lent et insensible, il tisse un sentiment particulier chez ses détenteurs. e s p o i r, six lettres assemblées qui sont parfois délaissées, im-prononcées, imprononçables. mais c'est dans ces moments-là qu'il revient et toutes les croyances que nous avions délaissés, reprennent vie comme lazare.