alexandrina thivaios ☀ daughter of apollo ✓

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"Ta mère", disait mon oncle entre deux bouchées de pain, "croyait qu'elle était capable de garder Apollon près d'elle. Après tout, nous sommes les enfants d'Hélios ▬ des demi-dieux, presque divin, et notre famille a un lien tout particulier avec les dieux du monde, et ce, depuis toujours. Mais Zeus refusait qu'Apollon reste avec une mortelle. Il a ordonné son départ, prétextant que l'union de tes parents était trop... Dangereuse."

Le feu crépitait dans notre âtre de fortune, ses volutes se perdant dans le ciel étoilé au-dessus de nos têtes. Voilà des semaines, déjà, que j'accompagnai mon oncle Mixalis dans ses besognes. Comme promis, il me raconta tout ce que j'avais besoin de savoir. Parfois, j'avais l'impression que ma tête allait exploser. Du jour au lendemain, j'étais devenue la fille d'Apollon, la petite fille d'Hélios, la future Gardienne de Lefkandi, l'Héritière de la famille Kanaris ; pourtant, je me sentais encore et toujours comme une gamine. Mixalis riait souvent de ma tête incrédule, m'assurant que le pire était à venir et que je ferais mieux de m'y préparer.

"Marina... La pauvre Marina. Elle était déjà enceinte d'Apollon pour la seconde fois quand il lui a fait ses adieux, sur la plage près de l'hérôon. Je lui ai proposé de monter sur l'Olympe pour lui fracasser son joli visage sur son trône d'or, mais Marina a refusé. En fait, elle a décidé de bouder tout ce qui était d'ordre divin et de ne pas vous parler de votre ascendance. Ça vous protègerait, disait-elle."

À voir la grimace qu'il arborait, Mixalis n'y croyait pas du tout. Son visage était maculé de cicatrices, qu'il avait obtenu lors de combats contre des créatures mythologiques. Il m'avait dit plus tôt que les enfants d'Apollon et de Marina Kanaris étaient trop puissants ; on avait dû nous séparer, moi et ma fratrie. Ils étaient partis chez notre oncle Marco, en Amérique ; en sa qualité de gardienne de Lefkandi, Maman devait rester. Elle avait choisi d'épouser Stefano Thivaios, un mortel, et de me donner son nom afin de tromper les monstres ▬ apparemment, l'odeur musquée des mortels avait le don de cacher les demi-dieux.

"Ta mère est têtue, Lexie", continua mon oncle en me tendant une olive, que je refusai. Toutes ces histoires me donnaient le goût de vomir. "Elle a accepté de laisser partir quelques uns de ses enfants, mais elle a préféré te garder près d'elle. Tu empestais le demi-dieu, et les monstres affluaient autour de toi. Tes frères étaient en sécurité avec Marco, mais toi… On savait tous, de toute manière, qu'elle était bien meilleure combattante que nous. Elle a épousé Stefano Thivaios dans le seul but de te protéger, mais elle en est tombée amoureuse. Je suis parti voir notre demi-frère, Aétès, pour lui proposer mes services en échange d'une barrière magique te dissimulant aux yeux des monstres."

Il soupira, et je levai mes yeux vers lui. Il est vrai que la dernière fois que je l'avais vu, il était bien plus fringant que présentement ; le poids des années au service du magicien l'avait fait vieillir prématurément. L'idée qu'il se soit soumis à un maître acariâtre pour me protéger me faisait culpabiliser, mais il m'avait assuré qu'il préférait une vie d'aventure à une vie de gardien, laissant volontiers sa place à Lefkandi à sa jeune sœur. Il cracha au sol, ses traits se fermant sous la colère.

"Aétès m'avait promis que rien ni personne de malfaisant ne pourrait pénétrer la zone tant et aussi longtemps que j'étais à son service. Mais visiblement, Python n'entre pas dans cette catégorie." Il serra les dents, ses jointures devenaient blanches sous le coup de la colère ; je posai ma main sur son bras et il se détendit, avant de me fixer de ses yeux dorés. "Ce qui s'est passé, la nuit où Stefano est mort, ça n'aurait jamais dû se produire. C'est pour ça que ta mère est partie aux Enfers après avoir fait fuir Python, pour récupérer Stef-"

"Quoi ?!" Je l'interrompis, le fixant avec de grands yeux estomaqués. Maman était aux Enfers ? Elle était vivante ? Il m'observa comme si j'étais un extraterrestre, avant de soupirer. Il bu une longue gorgée de vin avant de ricaner.

"Ta mère a fait une grave erreur en refusant de vous enseigner l'art d'être un demi-dieu. Oui, elle est aux Enfers, bien vive et bien vénère. Tu connais le mythe d'Orphée ? Elle va faire la même chose, sans commettre d'erreur, cela dit. Ce n'est pas la première fois, d'ailleurs. Elle a aidé un gamin s'appelant Zack à sortir des Enfers, une fois."

Je n'y comprenais plus rien, mais au lieu de m'expliquer, il se contentait de sourire et de m'affubler d'une claque sur l'épaule, qui me fit vaciller. Il leva les yeux vers le ciel, respirant l'air frais de la nuit, avant de se tourner de nouveau vers moi.

"Marina m'a demandé de te ramener à la Colonie des Sangs-Mêlés, en Amérique, et c'est ce que je vais faire. Tu y seras en sécurité. Mais...!" Il leva un doigt sur mes lèvres, m'empêchant de piper mot. "Avant de s'y rendre, je te garde avec moi. Je dois te montrer tout ce qu'il y a à savoir."

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Mixalis Kanaris était un grand guerrier, ça, personne ne pouvait en douter, même si son prénom n'était pas aussi impressionnant que ceux d'Achille ou Héraklès. Pendant deux ans, il m'apprit à chasser, à reconnaître des monstres et à les affronter. Il fut clair dès le départ que je n'avais pas de talent au combat, à son grand désespoir ; cependant, je me débrouillais particulièrement bien avec un arc et je lui étais d'un très grand support lorsqu'il se blessait ▬ c'est-à-dire tout le temps. On rencontra des nymphes, des centaures et des satyres sur notre sillage et on visita l'Europe continentale de pied en cap. Mixalis menaça de tuer un dieu mineur des fleuves qui m'avait offert un bouquet d'algues, lui criant que je n'avais que douze ans et que je n'étais qu'une gamine.

C'est seulement lorsqu'il décida que j'étais finalement prête qu'il prit des billets pour l'Amérique. Une boule se forma dans ma gorge à l'idée de le quitter ; Maman n'était toujours pas ressortie des Enfers et l'idée de le perdre à tout jamais m'était insupportable. Il m'assura qu'il garderait contact et que j'allais m'y plaire, à cette Colonie des Sangs-Mêlés. Lui, il s'était amusé comme un fou lors de son séjour, il y a si longtemps ▬ évidemment, il ne cru pas bon d'élaborer sur ce sujet, me laissant une fois de plus dans le néant. J'appris que bien plus tard que mon oncle avait été un blagueur de première classe et que Chiron lui-même craignait ses mauvais coups.

À partir du pin de Thalia, je pouvais discerner la Colonie dans son entièreté. Pourtant, ce n'est pas elle que je regardai, mais bien mon oncle. Ma vision était brouillée par les larmes, même si j'avais essayé de les contenir ; oncle Mixalis me prit dans ses bras et me susurra que j'allais lui manquer. Il glissa à mon épaule un carquois d'or impérial ▬ qu'il avait dérobé à un centaure en Espagne, une longue histoire ▬ et un arc de bois d'if, me promettant de faire de mon mieux. Il me demanda de passer ses meilleures salutations à Chiron, puis il s'engagea sur le sentier de graviers qui l'éloignait de moi.

Il se retourna après quelques pas, alors que l'astre solaire brillait de mille feux sur notre position ; il sourit et me confirma que tant que le Soleil brille dans le ciel, il y a de l’espoir. Sur ces paroles, je lui adressai un large sourire et je pénétrai dans la Colonie. Ma nouvelle maison.

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