leigh & allen

parce qu'elle ne saurait jamais se détacher de ce sang,
et parce que pour rendre justice, il y faudrait toujours verser du sien,

LEIGH pénètre dans l'infirmerie, le pas légèrement titubant. ses dents s'emparent de l'intérieur de sa joue ; elle ne voit personne à l'horizon. la petite fiole de nectar qu'elle a obtenu suite à un cours fort utile, donné par une fille d'apollon ayant manifestement pour vocation de devenir enseignante à ce semblant de colonie posthume, est perdue dans les méandres de ses affaires. LEIGH serre une main sur son épaule. comme si ça aurait pu endiguer l'odeur métallique, aussi caractéristique que méprisable de son propre sang.

sa couleur aurait presque de quoi l'énerver. ce qui coule dans ses veines est la raison même de sa présence, ici. de sa mort soudaine, des aléas du destin l'ayant poussée dans une arène, sans préavis ni armes. c'était bel et bien cette ascendance bâtarde ; ce sang traître qui oscillait en un métissage confus. et pourtant, il échouait misérablement à se démarquer de celui du commun des mortels, à qui elle n'appartenait pas — ou du moins, plus après ces révélations trop récentes.

peut-être qu'il aurait été moins humiliant de saigner en doré. c'est un trophée, autant qu'une victoire discrète arrachée à l'ironie de sa vie. elle serait ainsi poussée à combattre : leur destinée, ses propres rancoeurs, et tout ce qui gravitait autour de ces choses. mais jamais en vain, car de cette nature qui l'a condamnée, se dégage une aura qui achèvera de l'élever, et, peut-être, de donner un sens à toutes les crises à venir.

mais il n'en est rien. sur les draps blancs de l'infirmerie goutte un immonde liquide carmin.
il n'est que trop orgueilleux de s'imaginer aux rangs des dieux. LEIGH n'en mériterait pas autant. elle n'est encore que cette sale gamine, qui souille de sa colère tout ce qu'elle voit, et qu'elle touche. peut-être qu'un jour, la justice aveugle qu'elle défend sera le salut de son âme.

en attendant, elle restait fidèle à elle-même : fouillant la petite pièce dans un fracas bruyant, et surtout, particulièrement impoli.

LEIGH n'était pas une intruse, pas plus qu'une personne mal attentionnée ou une grande blessée.
elle n'était que le reflet de tous ces demi-dieux, précipités dans la gueule impitoyable du monde sans avertissement. une gamine encore un peu trop frêle dont les convictions s'exprimait par sa couleur de cheveux. une intrépide trop susceptible de s'écorcher l'épiderme. mais par dessus tout : une guerrière en devenir qui souhaitait être le poison et l'antidote.

elle fut pris d'un sursaut en entendant le fils d'asclépios entrer. ce qu'elle fabriquait ici n'était pas... glorieux. on dit que la première impression est souvent la bonne : alors qu'est-ce qu'allen a pu penser d'elle, en l'apercevant avec un bras ensanglanté, à genoux dans l'infirmerie, envoyant valser quelques fioles et bandages par dessus son épaule ?

la plaie, vraisemblablement, était due à une flèche ayant déchiré ses tissus de chair pour se loger dans son épaule. visiblement, l'arme du crime avait été retirée, laissant un trou dans la peau de la fille de némésis. LEIGH n'avait pas été habituée à ce type de douleur. c'est brusque. et ça pique.
elle esquisse un mouvement de recul.


ces paroles furent prononcées au hasard.
ce qu'elle cherchait dans cette infirmerie aseptisée, en vérité, était sans doute bien plus complexe et compliqué à trouver, au final.

LEIGH fait son possible pour ne pas montrer qu'elle souffre.
ce garçon, en face d'elle, lui était inconnu. pas qu'elle ne connaisse grand-monde ici, bien sûr. plusieurs évènements lui avaient déjà permis d'appréhender ceux qu'elle considérerait bientôt pleinement comme ses frères d'armes. pour l'instant, toute la dimension solennelle de guerrière de ce concept lui échappait profondément, incapable de voir autre chose qu'une bande d'adolescents aussi perdus qu'elle-même.

allen n'échappait pas à cette classification. de nature méfiante, elle n'avait pas cessé de l'épier depuis qu'elle l'avait aperçu, ses sens en alerte. quand un renard entend un lapin crier, il accourt. mais pas pour aider.

finalement lassée de toiser ce pauvre gosse comme s'il s'agissait d'un mercenaire prêt à l'achever, elle souffla bruyamment.

" — c'est la première étape, nan ? tu as l'air plus renseigné que moi. "


et oui.
elle a certes assisté au cours d'alexandrina portant sur les soins à administrer à un demi-dieu blessé, la pratique, finalement, lui est bien plus floue que la théorie. et puis, elle n'était encore qu'une demie-déesse dont le cuir ne s'était pas encore tout à fait tanné. coups après coups, il deviendra sans doute plus résistant, protégeant la fille de la Justice de tout le mal que ce monde aurait pu lui porter.

mais en attendant ça, il lui faudrait apprendre à panser ses blessures.